CHÂTEAU-CHALON : LIVRE ET VIEILLES PIERRES
Je suis en train de feuiller le beau livre que viennent de publier les éditions Méta-Jura sur Château-Chalon ; dans une première prise en main, la couverture du livre est prometteuse, je l'ouvre précautionneusement, tout en étant impatient d'y pénétrer. Dans un premier temps, avec respect, je caresse du regard les belles pages magnifiquement illustrées, j'en effectue une exploration rapide avant d'en entreprendre la lecture minutieuse et studieuse. Je sais naturellement qu'il y a dans ces pages quelques lignes de moi, puisque j'ai participé à cet ouvrage collectif, mais je souhaite surtout voir ce que mes nombreux collègues ont pu dire de nouveau, chacun dans sa spécialité.
Avant la lecture vraie d'un livre, il faut calmer son impatience et prendre possession du livre progressivement. Comment cela ? En le feuilletant, en le humant en quelque sorte, en prenant connaissance de la table des matières, en lisant la préface qui livre les intentions de l'ouvrage... Alors seulement, et seulement après, peut commencer le temps de la lecture véritable, car je me trouve désormais grâce à ce temps d'orientation et d'exploration installé confortablement en pays de connaissance et je peux en toute sécurité partir à la découverte.
En suivant cette ligne de conduite, que je ne cesse de recommander, soudain je sors de ma lecture, et je repense à un vieil article du Jura Français, qui fait l'éloge du site et que je retrouve après une brève recherche. Il s'agit d'un numéro de janvier-février 1939 qui dit : « Château-Chalon a conservé empreint sur ses murs et dans ses rues, le souvenir de chaque siècle de son existence. Vallum gallo-romain, vieille tour, dernier vestige de la puissance des patrices, maisons de l'abbaye campées fièrement au bord du rocher, vieille demeures bourgeoises du XVe siècle et XVIe siècle, flanquées de tourelles et éclairées de fenêtres à meneaux... maisons plus modernes des notaires et des maires du XVIIIe siècle, enfin modestes fermes de vignerons d'aujourd'hui donnent à Château-Chalon un caractère particulier ... » L'article intéressant car il note l'audience grandissante du site, tant il est vrai que depuis la fin du XIXe siècle, Château-Chalon fièrement campé sur son éperon rocheux est devenu un haut site du tourisme jurassien.
Mais le même article poursuit en déplorant amèrement le manque d'accueil : « Chaque année de nombreux touristes demandent à loger à Château-Chalon, il n'y a pas malheureusement suffisamment de chambres pour les recevoir. Plus de cent cinquante touristes de France, de l'étranger, ou venant de l'Afrique du Nord sont passés à chaque chambre pendant les années 1937 et 1938... » Cette lamentation est générale tous les guides touristiques de l'époque déplorent vivement dans le département le manque d'accueil, d'hôtels nécessaires pour retenir les touristes de passage.
LES GROTTES DE BAUME
Dans le site grandiose de Baume, c'est aujourd'hui les grandes eaux, grâce aux pluies incessantes de cette fin d'hiver 2014 qui n'en finit pas ou qui a fini trop vite.
Au pied de la cascade jaillissante, on entend chanter d’invisibles fontaines dissimulées derrière des blocs de rochers feutrés de mousse. On est écrasé par la force qui se dégage de cette énergie formidable, brusquement libérée en jets étincelants ou en nuages vaporeux ; le spectateur que je suis, se trouve soudain pénétré et envahi profondément par l’ombre de la vallée et le bruit assourdissant de l’eau furieuse et échevelée.
A proximité, les grottes ont leur histoire. Elles ont été explorées en 1893 par les membres de la section du Club alpin de Lons-le-Saunier. Les salles du Grand lac, du Catafalque ont été mises à jour et l'accès en a été facilité par des escaliers en fer et des passerelles. En 1901, l'éclairage électrique y a été installé. Pour célébrer cela, le 15 août de la même année, une grande fêtes a été organisée. 5 000 personnes s'y pressent, un millier de personnes a acheté des tickets pour la visite des grottes. Une montglofière baptisée La nymphe de la Grotte a même été lancée, un bal champêtre, un feu d'artifice ont été les sommets de ces festivités relatées par le journal l'Union républicaine.
En 1902, une société anonyme a été fondée pour la construction et l'exploitation d'un chalet-hôtel, au pied de la cascade des Tufs. Le même journal, le 6 juillet 1902 ; écrit : « MM les touristes sont agréablement surpris de trouver au pied des roches un charmant chalet rustique où le guide vend des souvenirs des grottes, des cartes postales, des photographies... »
Rien de plus émouvant que d'être à la fois en contact avec cette belle nature et ce passé pas si lointain !
UN HAUT LIEU DU SPECTACLE SE RENOUVELLE
Il est des lieux, des bâtiments dont l'histoire permet de mesurer les changements et leur accélération. Tel est le cas de la salle de cinéma le Régent à Lons-le-Saunier.
J'ai des souvenirs émus très fortement attachés à ce lieu, certain d'ailleurs que je ne suis pas le seul ! C'est là en effet, enfant, que j'ai découvert dans ce que l'on appelait l'Eden mes premières projections de cinéma et mes premières émotions de jeune spectateur. Avec mes parents ou en compagnie de mon frère ou de quelques camarades de lycée. Je me souviens en particulier avoir vu là, du poulailler, au soir de l'écrit du baccalauréat, avec une bande de copains Le Train sifflera trois fois, un grand classique du western avec Gary Cooper. Cela devait devait être en 1953.
Les souvenirs, nous conduisent parfois à l'histoire. Celle-ci nous apprend que sur la place de la Chevalerie, fut construit tout d'abord le Café du chalet, situé près du kiosque à musique, « à proximité de l'établissement thermal et de la gare du Tramway » comme le précise une publicité de l'époque. Ce lieu était très fréquenté dans les premières années du XXe siècle.
En 1908, il subit une première transformation : la terrasse est supprimée à l'étage. Une scène est aménagée pour donner des spectacles à l'intention des curistes des thermes tout proches, le Café du chalet devient alors le Kursaal.
Nouvelle évolution, en 1912, le Kursaal devient une salle du cinéma, L'Eden, où comme le dit une publicité un peu postérieure « tous les grands films à épisodes sont donnés ». C'est sous cette forme, dans l'Eden, qui avait peu changé depuis le début du siècle, que j'ai vu un peu avant 1950 mes premiers films. L'Eden par la suite réaménagé avec un nouveau changement de nom devait devenir le Régent. Un temps, il y eut un malheureux projet de remplacement de cette salle de cinéma par un grand hôtel.
En avril 2013, nouveau changement brutal, sous les coups de boutoirs de deux pelleteuses le Régent disparaît du paysage lédonien. Il laissera la place à la construction très moderniste d'un multiplex de 7 salles d'un millier de places avec hall et cafétéria.
Une fois de plus, une page nouvelle se tourne donc dans l'histoire de ce lieu, on notera toutefois une continuité, il reste un haut lieu du spectacle lédonien, pour de nouveaux rêves et de nouveaux souvenirs.