RENOMMEE DES VINS D'ARBOIS
 
On a cité souvent les témoignages anciens de la renommée des vins d'Arbois depuis les ménestrels du XIIIe siècle en passant par Rabelais, Brillat-Savarin… sans oublier Henri IV. Or voici un témoignage qui semble avoir échappé jusqu'ici aux regards.
Il s'agit du témoignage donné par Sébastien Mercier (1740-1814), écrivain prolifique, journaliste... auteur d'ouvrages célèbres en son temps, entre autres  : L'an 2440, rêve s'il en fut jamais (1770) et le Tableau de Paris (1781). Précisément dans ce dernier ouvrage (Tableau de Paris : chap. XI, p. 198), il évoque les sergents recruteurs qui décrivaient habilement pour appâter les jeunes apprentis parisiens et les engager à s'enrôler dans l'armée royale toutes les qualités de la bonne alimentation donnée aux soldats de sa Majesté en ces termes :
« Mes amis, la soupe, l'entrée, le rôti voilà l'ordinaire du régiment ; mais je ne vous vous trompe pas, le pâté et le vin d'Arbois, voilà l'extraordinaire ; je ne vous trompe point, vous n'aurez ni vin d'Arbois, ni pâté, mais l'ordinaire : la soupe, l'entrée, le rôti, la salade que j'oubliois.. .»
Le vin d'Arbois est donc bien présenté ici comme une boisson de luxe, que l'on ne saurait boire dans le service ordinaire ! Le vin d'Arbois était donc célèbre au XVIIIe siècle à Paris jusque dans les couches populaires ! Il fallait qu'il le soit pour que les déclarations des sergents recruteurs soient compris des jeunes parisiens issus des milieux populaires.
UN BEAU SITE MONTORIENT
 

Parmi tous les points de vue qui existent dans le Jura où la vue s'évade à l'infini, il en est un qu'il faut découvrir : Montorient situé sur le rebord du plateau jurassien dans les confins des communes de Vincelles et de Géruge. On y accède notamment par un chemin que l'on trouve à la sortie du village de Geruge, qui conduit le long de la crête où se situe le site de Montorient.
L'association des Montenrientais ne cesse depuis quelques années de mettre en valeur ce lieu historique. (On peut pour en savoir plus se reporter au site : www.montorient.com/Les_amis_montorientais )
Il faut rappeler que ce sommet a été le site d'un domaine historique qui a appartenu à Théodore Vernier (1731-1818), avocat, homme politique... Celui-ci y avait édifié une belle demeure qu'il aimait tout particulièrement, où il invitait ses amis. Nous évoquerons ce personnage qui appartient à l'histoire lédonienne et jurassienne le lundi 22 septembre à la Médiathèque de Lons à 20 H30.
L'association s'évertue depuis 2001 à remettre en valeur les restes de la demeure qui a subi dans les années cinquante les affres d'un très malheureux incendie.
D'un belvédère récemment aménagé et pourvu d'une heureuse balustrade, le paysage du pays lédonien se déploie, par beau temps, très largement à l'infini, à la manière d'une belle carte à grande échelle, qu'il est possible de lire aisément.
UN BEL OUVRAGE, UN MAUVAIS TITRE
Un magnifique et riche ouvrage sur le baroque appuyé sur de très belles expositions vient d'être publié. Il faut s'en réjouir, j'ai moi-même commis un article sur la production et la diffusion de l'image pieuse.
Hélas ! Une fois de plus, cet ouvrage intègre une erreur dans son titre même : « Splendeurs baroques en pays du Revermont, Arbois, Poligny Salins »… Il faut le regretter ! Surtout dans un ouvrage qui par ailleurs possède toutes les qualités scientifiques souhaitées et attendues.
Faut-il une fois de plus clamer son indignation devant cette confusion que j'ai pu dénoncer avec d'autres à de très nombreuses reprises. Faut-il rappeler une nouvelle fois que le secteur du rebord jurassien allant de Salins à Lons-le-Saunier se nomme historiquement « Le Vignoble », et que le secteur sud de Lons-le-Saunier à Saint-Amour et au-delà se nomme lui le « Revermont » .
 
On comprend mal cette persévérance dans l'erreur, la partie nord de ce rebord aurait-elle à rougir devant l'appellation de Vignoble ? On a peine à croire cela.
Ce-ci dit, on sait que le baroque est la forme d'art qui a été développée par l’Église catholique au temps de la Contre-réforme, lancée qu'elle était à la reconquête des âmes. Il s'agissait de montrer la toute puissance de l’Église face au protestantisme concurrent, d'où les ors multipliés, d'où l'aspect théâtral de la décoration des églises, notamment dans les retables et le mobilier.
UNE ANCIENNE ET CURIEUSE INDUSTRIE LÉDONIENNE
Je connaissais depuis longtemps l'existence d'une industrie lédonienne ancienne, aujourd'hui disparue, dont on repère encore quelques traces sous la forme de publicités dans la presse ou dans les guides touristiques de la fin du  XIXe siècle. J'avais d'ailleurs reproduit l'une d'elle dans mon ouvrage : Lons-le-Saunier au cœur du Jura en 1995.  Il s'agissait d'une entreprise qui travaillait le poil angora et fabriquait des sous-vêtements. 
Or je viens en feuilletant par pur hasard un vieux volume de trouver quelques indications sur cette entreprise curieuse. Un volume qui fait partie d'une série intitulée Voyage en France. Cette collection éditée au début du XXe siècle et rédigée par Ardouin-Dumazet, avait réalisé « une description complète de la France en plus de 60 volumes », par département et par région. L'évocation de cette entreprise se trouve dans le volume n° 24. 
 
Relisons ce texte :
« L'industrie lédonienne est peu importante ; il en en est une cependant fort curieuse : il s'agit du tissage des étoffes d'angora. Une usine file les poils du lapin angora et les transforme en étoffes soyeuses. Le créateur de cette fabrication à Lons-le-Saunier l'a importée du Calvados, en même temps qu'il a fait naître dans la région l'élevage de ce léporide à longs poils. Lui-même a installé un vaste clapier où 5 000 lapins gras et dodus n'ont qu'à laisser pousser leur poil jusqu'au moment où celui-ci état « mûr », on peut le « plumer ». Des femmes procèdent à cette opération avec habileté, sans souffrances pour la bête. Le poil ainsi recueilli vaut 50 francs le kilogramme, mais la quantité fournie par la ville et sa banlieue ne saurait suffire ; l'usine tire une partie de sa matière première de Bretagne, de Normandie, de la Vendée, de la Champagne, d'Alsace et de Savoie, où un village, Saint-Innocent, près d'Aix, doit le bien-être à cet élevage.
« Avec le poil d'angora lapin on fait des gants, des bas, des genouillères, des gilets, des caleçons, etc., d'une extrême finesse.
« Le clapier de M. Patard-Chatelain est admirablement tenu ; les 5 000 bêtes sont disposées dans des rangées de cages très propres et saines et nourries en été d'herbe fraîche, en hiver de betteraves, de foin, d'avoine et tourteaux. Ils n'ont qu'a manger et à se se faire du bon poil !... »
Autre version : le seigneur d’Oliferne était un homme fourbe et cruel, constamment en guerre avec ses voisins. Un jour, ses ennemis parvinrent à prendre le fort, et le seigneur réussit à fuir par un souterrain, mais ses trois filles étaient restées au château. Par haine, les assaillants les enfermèrent dans trois tonneaux garnis de pointes et les jetèrent le long des pentes du pic d’Oliferne, où ils dévalèrent jusque dans la vallée de l’Ain. Elles réapparurent en face sous la forme de trois rochers, aujourd’hui dénommés les trois damettes. Moralité : les enfants héritent des méfaits des parents. D’ailleurs, le seigneur d’Oliferne pour expiation de ses crimes fut condamné à une chasse errante comme le rapporte Charles Nodier (1823)
Et voici une troisième version : les filles ne sont plus les filles du seigneur d'Oliferne, mais ses captives, et les assaillants sont leurs fiancés qui tentent de les arracher à ce seigneur cruel. Le supplice final est l’œuvre de ce dernier qui, pour se venger des chevaliers leur rendit leurs promises enfermées dans un tonneau garni de pointes, un tonneau qu’il fit rouler du haut des remparts jusqu'à la rivière d’Ain où elles se sont réapparues sous la forme de trois rochers. Le baron Ravérat (1812-1890) raconte cette fable dans Vallées du Bugey. Il en conclut que ces légendes ne sont que le fruit de la peur collective devant le télégraphe installé sur la montagne peu après la Révolution et qui a donné au pic son nom de « Signal d'Oliferne ».
Quelque soit la version, la nuit, au clair de lune, les trois rochers soudain retrouvant leur formes de jeunes filles, elles dansent alors au clair de lune. Elles pleurent et se lamentent. Des paysans du lieu attestaient autrefois avoir entendu leurs plaintes.
 
A suivre ...
Une première escalade : le mont Oliferne
 
Dans mon enfance j'ai été bercé par les légendes mytérieuses d'Oliferne. Mais le mont Oliferne a bien sa forte réalité de pic. Situé tout au sud du département, dans la commune de Vescles, ce mont est une pointe rocheuse de de 807 mètres où se dressent encore les vieilles ruines de son château (détruit en 1592 par Henri IV).
On y bénéficie, après une montée assez rude d'une vue panoramique unique, déployée à 360 degrés, qui porte à la fois sur les vallées de l'Ain, de la Bienne. Ce n'est pas un hasard, si ce sommet a fait naître de vieilles légendes. Celle notamment des trois demoiselles. Au pied du mont, au bord de l’Ain, se dressent les damettes, trois roches d’inégale grandeur au milieu des broussailles. Sur leur origine, plusieurs versions existent.
Le seigneur d’Oliferne, avec habileté et ruse résistait au roi de France. Il réussissait à défendre sa forteresse Mais le tout puissant roi de France finit par s'emparer du château ; le roi découvrit les trois filles du seigneur vaincu réfugiées dans une cachette. Par vengeance, il fit enfermer les trois damettes dans trois tonneaux pourvus de pointes acérées et du haut du mont les fit rouler le long de la pente. A la suite de l'intercession de la Vierge Marie, Dieu permit que toutes les trois continuent à vivre le jour à Oliferne sous la forme approximative de rochers immobiles.
TOUT EN HAUT, JUSQU'AU CIEL
 


Nous voulons monter sur les hauteurs. La Franche-Comté ne manque pas de lieux insolites propres à exciter l’imagination, des sommets certes très souvent modestes, mais qui donnent l'impression de monter jusqu'au ciel et qui offrent d'admirables points de vue.
Beaucoup en effet n’atteignent pas 700 mètres, mais curieusement se hisser à leur sommet c’est toucher le ciel, et soudain de tous côtés se déploie au regard étonné le grand large de l’horizon. La vue y porte toujours dans un lointain immense, avec des flots de montagnes que l’on devine séparées de combes. D’un côté, on aperçoit la pointe de diamant du Mont-Blanc, de l’autre côté le regard se perd dans la mer de verdure du bocage bressan. Des lointains aux couleurs changeantes, mordorées ou bleutées selon les saisons.
Là-haut, on se retrouve seul, et cependant les hommes sont là en bas tout proches. Sur ces hauteurs, sous un ciel limpide, on aspire à se délivrer de toute pesanteur, on éprouve un besoin de légèreté, qui pousse l’esprit et le corps à prendre leur envol dans le ciel. Dans ma jeunesse, j’ai eu fréquemment la chance de gravir ces monts.
Face à ce spectacle, il ne reste plus qu’à regarder dans une sorte de recueillement à laisser pénétrer au fond de l’âme et du cœur cette immensité silencieuse, lumineuse  et bienfaisante.
Dans mon travail de recherche et d'écriture,  j'ai toujours essayé de me placer au niveau comtois, et même de regarder au-delà, car saisir l'originalité d'une région c'est évidemment la confronter avec les autres. Toutefois, j'ai toujours entretenu avec le Jura un lien particulier.
Il y a déjà quelques années, j'ai écrit dans Ma Franche- Comté : «  Au cœur de la  Franche-Comté, si vaste et si variée, la vie m’a attaché plus particulièrement à deux pays. Ceux-ci forment mes deux petites patries. Avec elles, j’entretiens une relation singulière, forte, vivante, pleine de souvenirs et d’émotions.
« Il y a d’abord celle de la jeunesse, la Petite Montagne jurassienne, et puis celle de la maturité, le Pays arboisien. Le cours de la vie avec ses tribulations m’ont lié ainsi à deux pays forts différents et fort contrastés... »
Ce Jura, ici, nous allons essayer de le parcourir, dans le passé comme dans le présent. Dans les livres, les vieux papiers comme dans sa réalité bien concrète de sa terre et de ses rochers.
CHÂTEAU-CHALON : LIVRE ET VIEILLES PIERRES
 
Je suis en train de feuiller le beau livre que viennent de publier les éditions Méta-Jura sur Château-Chalon ; dans une première prise en main, la couverture du livre est prometteuse, je l'ouvre précautionneusement, tout en étant impatient d'y pénétrer. Dans un premier temps, avec respect, je caresse du regard les belles pages magnifiquement illustrées, j'en effectue une exploration rapide avant d'en entreprendre la lecture minutieuse et studieuse. Je sais naturellement qu'il y a dans ces pages quelques lignes de moi, puisque j'ai participé à cet ouvrage collectif, mais je souhaite surtout voir ce que mes nombreux collègues ont pu dire de nouveau, chacun dans sa spécialité.
Avant la lecture vraie d'un livre, il faut calmer son impatience et prendre possession du livre progressivement. Comment cela ? En le feuilletant, en le humant en quelque sorte, en prenant connaissance de la table des matières, en lisant la préface qui livre les intentions de l'ouvrage... Alors seulement, et seulement après, peut commencer le temps de la lecture véritable, car je me trouve désormais grâce à ce temps d'orientation et d'exploration  installé confortablement en pays de connaissance et je peux en toute sécurité partir à la découverte.
En suivant cette ligne de conduite, que je ne cesse de recommander, soudain je sors de ma lecture, et je repense à un vieil article du Jura Français, qui fait l'éloge du site et que je retrouve après une brève recherche. Il s'agit d'un numéro de janvier-février 1939 qui dit : « Château-Chalon a conservé empreint sur ses murs et dans ses rues, le souvenir de chaque siècle de son existence. Vallum gallo-romain, vieille tour, dernier vestige de la puissance des patrices, maisons de l'abbaye campées fièrement au bord du rocher, vieille demeures bourgeoises du XVe siècle et XVIe siècle, flanquées de tourelles et  éclairées de fenêtres à meneaux... maisons plus modernes des notaires et des maires du XVIIIe siècle, enfin modestes fermes de vignerons d'aujourd'hui donnent à Château-Chalon un caractère particulier ... » L'article intéressant car il note l'audience grandissante du site, tant il est vrai que depuis la fin du XIXe siècle, Château-Chalon fièrement campé sur son éperon rocheux est devenu un haut site du tourisme jurassien.
Mais le même article poursuit en déplorant amèrement le manque d'accueil : « Chaque année de nombreux touristes demandent à loger à Château-Chalon, il n'y a pas malheureusement suffisamment de chambres pour les recevoir. Plus de cent cinquante touristes de France, de l'étranger, ou venant de l'Afrique du Nord sont passés à chaque chambre pendant les années 1937 et 1938... » Cette lamentation est générale tous les guides touristiques de l'époque déplorent vivement dans le département le manque d'accueil, d'hôtels nécessaires pour retenir les touristes de passage.
 

LES GROTTES DE BAUME
 
Dans le site grandiose de Baume, c'est aujourd'hui les grandes eaux, grâce aux pluies incessantes de cette fin d'hiver 2014 qui n'en finit pas ou qui a fini trop vite.
Au pied de la cascade jaillissante, on entend chanter d’invisibles fontaines dissimulées derrière des blocs de rochers feutrés de mousse. On est écrasé par la force qui se dégage de cette énergie formidable, brusquement libérée en jets étincelants ou en  nuages vaporeux ; le spectateur que je suis, se trouve soudain pénétré et envahi profondément par l’ombre de la vallée et le bruit assourdissant de l’eau furieuse et échevelée.
A proximité, les grottes ont leur histoire. Elles ont été explorées en 1893 par les membres de la section du Club alpin de Lons-le-Saunier. Les salles du Grand lac, du Catafalque ont été mises à jour et l'accès en a été facilité par des escaliers en fer et des passerelles. En 1901, l'éclairage électrique y a été installé. Pour célébrer cela, le 15 août de la même année, une grande fêtes a été organisée. 5 000 personnes s'y pressent, un millier de personnes a acheté des tickets pour la visite des grottes. Une montglofière baptisée La nymphe de la Grotte a même été lancée, un bal champêtre, un feu d'artifice ont été les sommets de ces festivités relatées par le journal l'Union républicaine.
En 1902, une société anonyme a été fondée pour la construction et l'exploitation d'un chalet-hôtel, au pied de la cascade des Tufs. Le même journal, le 6 juillet 1902 ; écrit : « MM les touristes sont agréablement surpris de trouver au pied des roches un charmant chalet rustique où le guide vend des souvenirs des grottes, des cartes postales, des photographies... »
Rien de plus émouvant que d'être à la fois en contact avec cette belle nature et ce passé pas si lointain !
 

UN HAUT LIEU DU SPECTACLE SE RENOUVELLE
 
Il est des lieux, des bâtiments dont l'histoire permet de mesurer les changements et leur accélération. Tel est le cas de la salle de cinéma le Régent à Lons-le-Saunier.
J'ai des souvenirs émus très fortement attachés à ce lieu, certain d'ailleurs que je ne suis pas le seul ! C'est là en effet, enfant, que j'ai découvert dans ce que l'on appelait l'Eden mes premières projections de cinéma et mes premières émotions de jeune spectateur.  Avec mes parents ou en compagnie de mon frère ou de quelques camarades de lycée. Je me souviens en particulier avoir vu là, du poulailler, au soir de l'écrit du baccalauréat, avec une bande de copains Le Train sifflera trois fois, un grand classique du western avec Gary Cooper. Cela devait devait être en 1953.
Les souvenirs, nous conduisent parfois à l'histoire. Celle-ci nous apprend que sur la place de la Chevalerie, fut construit tout d'abord le Café du chalet, situé près du kiosque à musique, « à proximité de l'établissement thermal et de la gare du Tramway » comme le précise une publicité de l'époque. Ce lieu était très fréquenté dans les premières années du XXe siècle.
En 1908, il subit une première transformation : la terrasse est supprimée à l'étage. Une scène est aménagée pour donner des spectacles à l'intention des curistes des thermes tout proches, le Café du chalet devient alors le Kursaal.
Nouvelle évolution, en 1912, le Kursaal devient une salle du cinéma, L'Eden, où comme le dit une publicité un peu postérieure « tous les grands films à épisodes sont donnés ». C'est sous cette forme, dans l'Eden, qui avait peu changé depuis le début du siècle, que j'ai vu un peu avant 1950 mes premiers films.  L'Eden par la suite réaménagé avec un nouveau changement de nom devait devenir  le Régent. Un temps, il y eut un malheureux projet de remplacement de cette salle de cinéma par un grand hôtel.
En avril 2013, nouveau changement brutal, sous les coups de boutoirs de deux pelleteuses le Régent disparaît du paysage lédonien. Il laissera la place à la construction très moderniste d'un multiplex de 7 salles  d'un millier de places avec hall et cafétéria.
Une fois de plus, une page nouvelle se tourne donc dans l'histoire de ce lieu, on notera toutefois une continuité, il reste un haut lieu du spectacle lédonien, pour de nouveaux rêves et de nouveaux souvenirs.
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La soupe au fromage
Max Buchon
LA SOUPE AU FROMAGE DE MAX BUCHON
Pierre jaune ocre du Jura
COULEURS DE PIERRE
J'aime du regard caresser les vieilles pierres des murs de nos vieilles maisons qui ont conservé la palette colorée du terroir. Au hasard des rues des bourgs et des villes, mon regard attentif et sensible peut jouir du jeu des couleurs de la pierre au gré de la lumière qui caresse ou inonde les façades.
Je me plais à imaginer qu'au cours du temps, ces pierres taillées et appareillées, ont été extraites des profondeurs géologiques par une armée de carriers, d’entrepreneurs, de maçons et d’architectes. Dans les villes et les bourgs, ces bâtisseurs d’autrefois ont su habilement jouer de cette chair colorée de la roche tirée des carrières.
A Besançon, comment ne pas être sensible, sous un beau ciel lumineux, ce qui hélas n'est pas le cas en cette saison pluvieuse, aux vastes façades bien ordonnancées, solidement plantées, aux lignes incisives soulignées par la lumière, construites dans un calcaire bleuté rayé et veiné d’ocre. Cette pierre dure à la taille se pare alors discrètement d’un velouté et d’une douceur de pastel.
Ici, les bâtisseurs tiraient la pierre des carrières de la Malcombe, des Perrières, du Gravier Blanc ou de Montarmot. Les principales carrières de cette pierre, extraite du sous-sol de la région depuis 1569, date a laquelle il est imposé aux bâtisseurs d'élever les façades sur rue en pierre, se trouvaient dans la forêt de Chailluz, proche de la ville. De grain très fin, non gélive, la pierre de Vergenne, qui fut utilisée pour certains édifices ou œuvres d'art, provenait du lieu-dit « Vergenne » situé en Haute-Saône, à une trentaine de kilomètres de Besançon. L'exploitation des carrières en a été arrêtée après la première guerre mondiale.
Mais d’autres couleurs surgissent dans d’autres cités. Au nord, dans Belfort, la cité du Lion, domine le grès rouge et violet  tandis qu'au sud une belle pierre d’un jaune ocre, attire l’œil. Le clocher d’Arbois est un peu le porte drapeau de cet ocre au couleur de gaudes, qui s’accorde à merveille avec le vert des vignes environnantes. Mais on la retrouve dans maints édifices de Nozeroy. A Chateau-Chalon la falaise offre au regard un feuilleté fragile de couches jaunes et ocres empilées dans les temps lointains de la géologie.
La marmite est sur le feu.
Mettez-y du beurre.
Ne craignez que le trop peu
Et sitôt qu'il pleure,
La farine et les oignons,
Et de notre mieux soignons
La soupe au fromage
Oh gué
La soupe au fromage
 
Les oignons bien fricassés,
Versez l'eau bouillante,
Et faire à son gré laissez
La flamme brillante.
Et voilà partie au trot
La soupe au fromage.
 
Du pain les plus beaux croûtons
Vite à la soupière,
Et par couches, ajoutons
Notre vieux Gruyère.
Pour le coup, versez-moi là
Votre marmite, et voilà
La soupe au fromage
Quels superbes filets blancs
La soupière grise
Fait rayonner de ses flancs
Sitôt qu’on y puise !
Quel ineffable fumet
Lance, à notre nez gourmet
La soupe au fromage
 
Ah ! Voyons ; laissons un peu
Souffler notre panse…
Buvons le coup du milieu,
Selon l’ordonnance…
A quoi bon se dépêcher ?
Il faut d’abord ensacher
La soupe au fromage
 
Dieu ! Comme cela descend !
Qu’en dis-tu compère ?
Second service à présent ;
Les deux font la paire
Je sens ma soif revenir
Mais il faut d’abord finir
La soupe au fromage
Max Buchon (1810-1869), cousin du peintre Gustave Courbet a été le spécialiste de la fromagerie. Il a consacré plusieurs écrits à la fromagerie comtoise. Il s’agit  d’un témoignage de son enracinement dans le monde rural et villageois de son temps. En effet, la fruitière est au cœur de la vie de la communauté villageoise comtoise. Son mode de production originale l’a toujours intéressé. Il l'observe aussi pour des raisons idéologique. Fouriériste, il pense que l’association est la cellule de base (que les fouriéristes appellent commune, phalanstère…) à partir de laquelle il sera possible de reconstruire la société. A leurs yeux, la fruitière association est donc la préfiguration du rôle que l’association de façon générale doit jouer dans la transformation de la société.
Buchon a tout d’abord chanté la fromagerie comtoise dans ses poésies. En 1863, il compose ainsi Les fromagères Franc-comtoises et encore Le fruitier, un fromager de Fribourg de la Gruyère, il évoque la fruitière dans son roman Le fils de l’ex-maire, dans lequel il met en scène un marchand de fromage le malheureux Doudou, héros à la fois vantard et naïf. Il a rédigé un Traité de fromagerie 1869, il y préconise avec vigueur une modernisation de l'antique fruitière comtoise.
Il compose enfin la fameuse Soupe au fromage, un chant qui devint à Paris l’hymne du mouvement réaliste autour de Courbet, celui-ci était chanté au cours des réunions et des repas du mouvement. Cette poésie a été publiée dans Poésies franc-comtoises Tableaux domestiques et champêtres, Paris, 1862.
LES BANQUETS DE LA CONFRÉRIE DU SAINT-ESPRIT À POLIGNY
 

Les statuts de 1588 dressent un règlement minutieux des banquets de la confrérie ; cette confrérie existait déjà en 1292.
 
« 1° Le jour de fête de la Pentecôte au dîner. La fricassée de foye de veau en un plat, quatre à quatre, avec chacun à un chacun confrère un goubelet ; le miolet d’œuf et trois cloz de  gérofle dedans ; la pièce de bœuf pour quatre, la moutarde, l’haut côté ou poitrine de mouton (ici ce chante le Veni Créator). A chacun confrère une écuelle de ris, une pomme et un quartier de fromage.
« Led. jour au souper. A chacun confrère une écuelle d’orchepot de veau bien étouffé ; les pieds de mouton à la vinaigrette pour quatre, le veau routi, le moton routi, la sauce verde, les pommes et le fromage .
« Le dîner du lendemain qu’on nomme le banquet de la langue de bœuf, se fait à volonté du prieur (à ses frais) où il appelle les sieurs mayeurs et échevins et autres tels qu’il lui plaît.
« Pour le lundi lendemain dudit jour de fête de Pentecôte au souper. La salade de laitues pour quatre, un pigeon et un poulet pour quatre ; au lieu de ben chapplé (hâchis), la pièce de bœuf, la moutarde, (la prédication par un des frères prescheurs), la gelée de couchon, la tartre au choz sucrés.
« A chacun desd. trois repas se donne pain, vin et pitance à chacun des clercs allant à la grande école.
« Les srs chanoines sont les premiers servis, les confrères après, les chapelains et familiers après, et les choriaux les derniers.
« Les confrères se doivent asseoir en l’ordre de leur réception. »
LE BON DÎNER DE L'ARCHEVÊQUE
 

Il y a quelques années, en fouillant dans un dossier des archives départementales du Jura, à ma grande surprise, au milieu des vieux feuillets, j'ai trouvé la facture adressée par un traiteur aux chanoines de Dole qui venaient de régaler d'excellente manière, lors de son passage, Monseigneur l'archevêque de Besançon.
Le 9 juin 1756, les chanoines du chapitre de Notre-Dame de Dole, après avoir offert à l'archevêque de Besançon, Antoine Clériade de Choiseul, un vin d'honneur, ont donc reçu leur hôte avec magnificence. Le repas avait été préparé, livré et dressé par un traiteur. Quant aux desserts, confitures, glaces, et fruits, ils avaient été fournis par la veuve Senard, confiseur.
Lisons le menu porté sur la facture :
« Au premier service, on a offert à Monseigneur : trois potages, un bisque d'écrevisse, un à la reine, un de santé, un à la purée verte, une julienne.
Les ordoeuvres sont deux plats d’œufs frais, deux d'oseille, deux l'un au blanc, l'autre au roux, petites raves et beurre frais, un de grenouilles à la poulette, une grosse tanche à la polonaise, une truitte avec ombre grillé, une anguille en serpentin avec son saucier, en tronçons de même, perche avec son écaille grillé, filet de brochet à la béchamel, filet de brochet avec sauce, deux plats d'une grosse truitte coupé par tronçons marinée à l'huile avec sa sauce grillée au cittrons, un pâté chaud d'anguilles, une tourte de laittance de carpes, une matelotte de carpe et l'anguille pour le milieu garnie, une grosse truitte piquée d'anchoye à la broche au citron dans un bout, une grosse carpe du Doux (sic) avec coulis d'écrevisse.
Au deuxième service:
« Saumon frais, une grosse truitte, une autre grosse truitte, un plat de lotte fritte, une friture de perche et de filets de brochets, un gateau de mille feuilles, un croquand armorié et monté, deux plats d'artichaux, petits pois vert, deux darioles en timbales, deux de crème, deux d'habesse, de maspin avec glaces verte et blanche (quatre plats), deux d'andouillette fritte, deux de cardons au fromages, deux d'épinard »  (Archives départementales du Jura, G 167).
Le repas fut arrosé de quatorze bouteilles de Chambertin, trois bouteilles de vin d'Espagne, deux de muscat, vingt-huit pintes de vin du pays et de bière. Plus quelques bouteilles de liqueurs. Nous savons également que le saumon servi venait de Bâle via Belfort et Besançon... Exploit de transport en pleine saison chaude, car ce bon dîner avait lieu en juin. Les chanoines engagèrent dans ce repas, vin d'honneur compris, une véritable petite fortune, soit 459 livres. Cette somme représente 6 à 8 belles vaches!
La liste des mets est certes impressionnante, mais rassurons-nous, Monseigneur et les bons chanoines n'avaient pas l'obligation de tout manger. Dans ce service, à la française, chaque convive prenait à son goût et à sa faim. Au milieu de cette abondance offerte, chacun pouvait à sa convenance composer son menu particulier. Un temps où l'on savait vivre !
Site officiel www.michel-vernus.com
UN BON DÎNER !
 
Brillat Savarin (1755-1826), épicurien et fin gastronome, se lèche encore les babines en racontant longtemps après dans sa Physiologie du goût ou méditations de gastronomie transcendante (éditée en en1825) un bon repas fait à Mont-sous-Vaudrey (Jura) en 1793. A cette époque, le village avait environ 700 habitants, on y comptait 10 aubergistes et 6 cafetiers !
Homme politique impliqué dans la révolution de 1789, de tendance girondine, pourchassé par les montagnards de sa ville d'origine Belley (Ain), Brillat-Savarin tente en 1793 de venir à Dole pour se disculper. Il sait qu'il risque la prison, voire l'échafaud, mais il trouve le temps de humer les bonnes odeurs qui émanent de la cuisine de l'hôtel de Genève où il fait étape.
Il note « J’arrive vers 11 heures dans ce joli village, je vois dans cette auberge le spectacle merveilleux d’une broche admirablement garnie de cailles et de levrauts à côtes rondes que les Parisiens ne connaissent pas... » Hélas ! Ce beau gibier, qui excitait tant son odorat subtile était réservé et préparé pour un groupe d'hommes de loi du lieu lui apprend le restaurateur, lequel lui avait promis dans un premier temps des haricots !
Mais notre homme a de l'entregent, il réussit à se faire inviter par ces convives. Avec eux, en compagnons de table, il festoie quatre heures durant et se régale d'une fricassée de poulets « de haute facture, si richement dotée de truffes » ; le festin est inauguré par « un vin léger et couleur de grenat », sans doute un vin du Jura. Il y eût également un vin de paille « doux et généreux » pour arroser les desserts. Et « le tout fut couronné par un très bon café » .
Voilà un repas tout à l'honneur de la gastronomie et de la restauration comtoise !
Dans cette rubrique, nous souhaitons être le promeneur vagabond qui va sa route le regard à l'affût, le nez au vent et qui traque  de sa curiosité inassouvie toutes les couleurs, toutes les senteurs, toutes les saveurs de notre belle région.
Il peut se dégager de très beaux et de très bons fumets de pages anciennes ou d'archives jaunies, des fumets qui n'ont en rien le goût de la poussière du passé. Elles peuvent en effet raconter les plaisirs des yeux et de bouche d'autrefois. Le bon dîner de Brillat-Savarin à Mont-sous-Vaudrey, en est un bel exemple avec beaucoup d'autres... Nous dirons ce qu'aimaient manger nos ancêtres. Nous feuilletterons les  livres de cuisine anciens, les revues régionales, les vieux guides touristiques...
Mais nous nous enfermerons pas dans le passé, nous découvrirons des chemins, des lieux, des instants festifs, des paysages dans leurs originalité d'aujourd'hui tout en essayant de lire leur histoire. Comme le dit Régis Debray « Si la nature est partout, le paysage est dans l’œil de celui qui regarde ».
En somme, nous voulons être le vent qui souffle sur les sommets, qui s'insinuent dans les vallées et dans les moindres recoins, et qui parfois  à sa façon  impertinente décoiffent.  Nous voulons être le vent qui dispersent les pages écrites à la manière de feuilles d'automne qui tourbillonnent au loin avant d'être précieusement recueillies pour être conservées dans un magnifique herbier.
COUP DE COEUR LITTERAIRE, CULTUREL, TOURISTIQUE & GASTRONOMIQUE
DE L'ECRIVAIN FRANC-COMTOIS
MICHEL VERNUS